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Le Haut Potentiel Intellectuel

Il existe de nombreux termes pour désigner le haut potentiel intellectuel (précocité, surdouance...), mais il est pourtant difficile de définir pour soi et pour les autres de quoi il s’agit.

Nous retenons ici la notion de "haut potentiel", sans se limiter à l’aspect intellectuel, car être précoce, c’est ouvrir le champ des possibles dans une multitude de domaines insuffisamment valorisés et exploités dans notre culture/société.

Ce haut potentiel, c’est la capacité à ressentir, percevoir, comprendre les choses et l’environnement qui nous entourent, de façon plus aiguisée, plus fine, plus dense que la majorité des gens. Et ressentir les choses plus intensément, c’est aussi y réagir plus intensément. Tout est stimulation, tout est information à traiter, sans nécessairement avoir de hiérarchie ou de priorisation dans le traitement de l’information. On est donc rapidement surchargé, survolté. Il en découle une sensation de stimulation et de sollicitation permanente, et cette perméabilité à l’environnement peut engendrer de la nervosité, de l’irritabilité, de la fatigue, un besoin de s’isoler, de se protéger de ce flux incessant de stimulations. Des mécanismes de défense se mettront parfois en place pour contrecarrer ce trop-plein de stimulations (tocs, évitement phobique, hypersomnie…).

Souvent les patients se présentent comme "fragiles", "trop sensibles", "différents", "en décalage", ou se vivent comme "malades" (parfois troubles anxio-dépressifs, bipolarité, addictions…).

La grande majorité d'entre eux ne croit pas du tout à une hypothétique surdouance, suggestion qui peut même leur paraître fantaisiste. Chacun d'entre nous étant son propre "mètre-étalon", ce que nous faisons de façon évidente, sans effort ou sans réflexion consciente, nous paraît généralement "normal". Les personnes à haut potentiel ne se rendent pas forcément compte que leur "normalité" est en fait "hors normes"!

Elles se focalisent sur le décalage ressenti négativement par rapport aux autres, socialement notamment, sans réaliser qu'être "hors normes" a aussi des avantages, peut être un atout, dont elles doivent prendre conscience pour avoir une plus juste estime d'elles-mêmes et reconnaître leur vraie valeur.

 Les multiples facettes du haut potentiel

Une personne à haut potentiel ne présente pas nécessairement toutes ces facettes, et peut en avoir développé certaines plus que d’autres. Elle peut aussi avoir tout simplement manqué de confiance et d’occasions pour exprimer certaines facettes. La révélation de son haut potentiel peut alors servir de tremplin pour se lancer et se réaliser dans des domaines jusqu’alors inexplorés, artistiques ou autre.

    L’intelligence

L’aspect purement intellectuel du haut potentiel peut s’exprimer par un niveau d’accomplissement académique élevé, sanctionné par des notes et des diplômes, signes ostensibles de performance et de réussite dans notre société élitiste. Dans nos consultations, les personnes ayant connu un tel parcours s’en félicitent rarement, voir, s’en défendent ("j’avais juste une bonne mémoire", "c’est parce que j’ai eu la chance d’aller dans de bonnes écoles"), ou ont l’impression d’usurper leur titre ("j’ai réussi médecine par hasard").

Mais la majorité de nos patients n’a pas bénéficié  des  conditions nécessaires à l’exploitation de leur haut potentiel au service de la réussite scolaire. Au contraire, ils se sont heurtés à de l’incompréhension, de la stigmatisation, voire de l’humiliation, car ils ne s’accordaient pas au cadre scolaire, et l’école n’a pas cherché à s’adapter à leur fonctionnement particulier. "Il n’arrivera jamais à rien", "il n’ira pas jusqu’au bac", "elle ne fera pas d'études longues !", "qu’est-ce qu’on va en faire ?", ce sont surtout des incompris, blessés et parfois révoltés face à la somme d’injustices subies. 

A l’âge adulte,leur besoin de reconnaissance est intense.

    L’hypersensibilité

L’hypersensibilité, versant émotionnel du haut potentiel, est sans doute la dimension la plus difficile à accepter, intégrer et gérer, car l’abondance et le débordement d’émotions qu’elle génère sont trop souvent assimilés à de l’immaturité, de la faiblesse et de la fragilité, effrayant pour soi et pour les autres qui ne savent comment les recevoir. C'est d'ailleurs fréquemment le premier motif de consultation. Les personnes à haut potentiel ont souvent une capacité d’empathie surdéveloppée, cette qualité fait d’eux une oreille à qui se confier, souvent de bon conseil.  Mais pour eux, elle est aussi cause de souffrance, car l’empathie s’accompagne souvent d’une forte sensibilité à l’injustice avec le sentiment d’impuissance qui va avec. Bien canalisée, cela peut être exploité dans des professions d’aide, dans la création d’associations, du bénévolat… chez d’autres, elle restera à l’état brut, sous forme de rébellion, colère, rejet de la société. L’hypersensibilité confère par ailleurs un côté intuitif, qui devient une vraie force lorsqu’on l’associe à une réflexion intellectuelle. Cela permet de potentialiser les prises de décision.

    L'activité motrice

Le bouillonnement interne que connaissent les précoces s’exprime souvent sous forme d’agitation motrice, signe de débordement d’énergie, de trop-plein d’émotion ou d’anxiété. Ce sont notamment ces enfants que nous voyons en consultation car les adultes se demandent s’ils ne sont pas "hyperactifs". L’hyperactivité est surtout un problème lorsqu’elle est le signe d’un déficit attentionnel qu’il convient de déceler et de prendre en charge afin de permettre à l’enfant de trouver sa place, son équilibre et d’exploiter au mieux ses capacités. Les enfants sont trop facilement qualifiés d’hyperactifs par les adultes. Mais cette "hyperactivité" n’est pas nécessairement signe de souffrance et de "trouble". Les adultes ne savent pas l’accueillir, mais elle peut juste être l’expression de la vivacité et l’énergie d’un enfant, qu’il apprendra à canaliser en grandissant, par son implication dans des activités sportives notamment. On retrouve souvent chez les précoces des aptitudes sportives hors du commun. Adultes, se sont des personnes qui ont besoin d’être dans l’action. Si cette "hyperactivité" n’est pas en soi un problème, on pourra y associer de la méthode afin que le foisonnement d’idées et d’élans ne se disperse pas, mais aboutisse à des projets menés à termes.

    La sensorialité

La sensorialité accrue n’est pas toujours consciente, et on ne se rend donc pas compte de l’énergie monopolisée par des sens très aiguisés. Un odorat plus développé, une forte réactivité au toucher, une ouïe plus fine… les récepteurs sont saturés ! Comment faire le tri dans ce flux d’informations quand tout semble potentiellement important ?  Pourtant, ces sens affinés vont permettre de vivre des émotions plus fortes, de s’ancrer dans l’instant et d’en saisir toute la richesse. Bien cultivés, ils peuvent aussi être exploités professionnellement.

    L’imagination et la créativité

La créativité et l’imagination découlent de la multitude de liens qui se crée entre l’intellect, l’émotionnel et le sensoriel, pour s’exprimer sous des formes artistiques diverses et foisonnantes. Sans la valorisation, l'intérêt ou la reconnaissance de leur entourage dans ces domaines artistiques, les précoces pourront difficilement intégrer cette créativité comme une valeur et une richesse, mais la vivront plutôt comme quelque chose d’inutile, futile, voire de déviant. A moins de se l’approprier comme un moyen d’expression précieux, un accomplissement de soi, indépendamment de la réaction de l’entourage (qui peut juste manquer de sensibilité artistique). La créativité peut aussi s’exprimer au travers du quotidien, en cuisine, en décoration, en jardinage, l'organisation de fêtes, dans les activités partagées avec les enfants…

Qu'en est-il du Haut Potentiel chez l'adulte ?

La notion du Haut Potentiel chez le sujet adulte est encore bien peu abordée.
Ceci, pour différentes raisons :
1/On en connaît de plus en plus sur la question des enfants précoces, au travers des problèmes de scolarité qu’ils peuvent rencontrer, ou des symptômes qui peuvent les amener dans les cabinets des psys. Leur devenir à l’âge adulte reste par contre encore bien peu connu.
2/ Le Haut Potentiel n’est pas une maladie, et les psychiatres, contrairement aux psychologues qui sont formés à la question de l’intelligence, n’ont aucune formation, voire aucune idée sur le sujet…
3/ Enfin, la plupart des enfants à Haut Potentiel seront des enfants heureux, et deviendront des adultes heureux. Et ce, probablement d’autant plus que ce potentiel aura été détecté, expliqué, et accompagné pour aller dans le sens de leur épanouissement.
Par contre, une fraction non négligeable de cette population, non détectée, ou bien ne bénéficiant pas d’un entourage familial ou éducatif adéquat, risquera de se trouver en situation de sous utilisation de ce Potentiel, avec une difficulté dans la construction de leur personnalité, et dans la capacité à trouver un équilibre de vie épanouissant.

Que risque le sujet adulte à HP non détecté au cours de sa vie, en termes de symptômes psychiatrique ?

-Chez les sujets qui ont pu optimiser leur potentiel, dans le sens de la réussite professionnelle ou personnelle :

1/ Un risque anxieux avant tout.
L’anxiété semble quasi constante chez le sujet à HP, liée entre autre à un pseudo-perfectionnisme. Toute son échelle de valeurs est en effet biaisée dans la mesure où, pour le sujet à HP, la norme, c’est la perfection.
L’anxiété sociale et relationnelle sera aussi communément retrouvée, car le sujet à HP non détecté n’a souvent pas conscience de son décalage par rapport à la moyenne, et aura tendance, surtout pour les femmes, à s’accorder peu de valeur.
Ce manque d’estime de soi, associé à une hypersensibilité émotionnelle (qui semble aussi très commune), seront des facteurs favorisants de décompensations dépressives.

2/ En plus du risque anxieux, un risque dépressif :
Trop d’activités, trop de projets, une hypersensibilité émotionnelle pouvant compliquer les rapports sociaux, des troubles du sommeil par incapacité à mettre sa tête au repos, et c’est le syndrome d’épuisement classique, qui est une dépression qui se manifeste notamment par une incapacité brutale à penser.
Comme le sujet à HP présente un idéal du Moi très élevé (voire en plus un Surmoi très rigide…), et une fâcheuse tendance à vouloir dépasser ses limites, ce tableau dépressif pourra être subit, et surtout très mal toléré sur le plan narcissique, avec des risques de mise en danger important.

–Les sujets qui n’ont pas pu utiliser leur potentiel dans le sens de la réussite sont plus difficiles à détecter en consultation psychiatrique, alors même qu’ils sont souvent en grande souffrance du fait de la sous-utilisation de leur intelligence.

Indéniablement, Haut Potentiel rime avec excès. Excès de sensations, excès de stimulations, excès de pensées, excès de sentiments, mais surtout excès d’énergie.
Ces personnalités sont excessives, avec toutes un style différent, conditionné par le tempérament, qui est une donnée innée, et canalisées par ce qui aura été proposé par l’environnement.
Si l’environnement a été ouvert, curieux, tolérant et stimulant, mais aussi cadrant, l’énergie est canalisée sur une multitude de rails…
Dans le cas contraire, l’excès d’énergie reste "coincé" à l’intérieur du sujet, et se retourne contre la personne. Ce qui produit une inhibition en surface, et la création de voies de sortie pathologiques de l’énergie en excès, au travers de symptômes, et ce d’autant plus que le milieu familial aura été pathogène ou non sécurisant.
On retrouve là en premier lieu des symptômes anxieux et pseudo-obsessionnels, avec une dispersion de la pensée, des raisonnements obsédants, voire de vraies obsessions idéatives (la pensée classiquement décrite chez le sujet à HP comme arborescente perd –ou bien n’a jamais développé- son système de priorités et de tâches subalternes, et devient confuse et "douloureuse").
On trouve aussi un risque addictif, soit à des produits (cannabis et alcool préférentiellement), mais aussi des addictions comportementales comme des Troubles du Comportement Alimentaire, l’addiction à internet, ou tout simplement une addiction à la rêverie qui est en fait vivre sa vie en rêve, sans obstacles ni contraintes… Ces addictions ont pour fonction de permettre au sujet de se "vider la tête" face à une pensée qu’il n’arrive pas à canaliser et utiliser correctement.

Lorsqu’un adulte ou un adolescent de ce type arrive dans le cabinet d’un psychiatre, le psychiatre ne voit que la surface, l’inhibition ou les symptômes, et seule une attention particulière permettra de suspecter le HP caché. D’où un sacré risque de passer à côté d’une donnée centrale de la problématique, et de ne proposer qu’une prise en charge partiellement efficace.

Alors, comment rendre la vie plus belle aux sujets à Hauts Potentiels adolescents et adultes ?

Le déroulement est en fait le même que pour l’enfant précoce qui rencontre un psychologue, et s’organise autour de trois étapes :

1/Tout d’abord, il faut savoir reconnaître le Potentiel
Puis il faut transmettre au patient cette idée, et lui dire que cette hypothèse sera prise en compte dans la prise en charge, ce qui nécessite un peu d’assurance et de persévérance face à des patients parfois incrédules ou sceptiques, jusqu’à ce qu’ils arrivent à se l’approprier.
Reconnaître le Haut Potentiel, veut dire aussi faire une relecture du parcours du sujet, et déterminer en quoi ce potentiel a pu être un plus ou un frein dans la réalisation de son épanouissement.
Et cela veut enfin dire les encourager à assumer cette différence.

2/ La deuxième étape est de leur expliquer comment ils fonctionnent. Comment canaliser leur intelligence et leur énergie pour sortir de l’inhibition, des obsessions, comment arriver à se vider la tête pour retrouver le sommeil.
Comment aussi retrouver un plaisir à utiliser son intelligence, là où penser est souvent devenu une contrainte, voire une torture.

3/La dernière étape sera de les remotiver, autour de la reprise d’études, de projets professionnels, autour d’un projet artistique ou créatif.
Toutes les idées, leurs idées sont bonnes à prendre, car on sait bien qu’un sujet à Haut Potentiel motivé aura les moyens de réussir ce qu’il entreprend.

Alors bien sûr il y a aussi le reste du travail psychiatrique et psychothérapique, en gardant à l’esprit que ce travail ne pourra produire de bons résultats chez le sujet HP que dans un cadre particulièrement interactif et explicite.

 

 

Les adultes à haut potentiel sont des "atypiques au carré ou au cube". Plus que l'intelligence, difficile à définir, ce sont les caractéristiques suivantes qui les dépeignent le mieux :

NB: Toutes ne doivent pas être présentes.

• Cerveau qui "tourne" en permanence, questionnements sans limite, incapacité à trouver le bouton "Off".
• Hypersensibilité, extrême susceptibilité, démarre au quart de tour.
• Intensité - hyperstimulabilité (niveau de réaction plus élevé aux stimuli, être "plus " tout : plus rapide, plus agité, plus attachant, plus exigeant, plus généreux, plus impatient, ...)
• Hyperesthésie ou exacerbation des cinq sens (hyperréactif aux stimuli sensoriels) : voit ce que les autres ne voient pas, sent ce que les autres ne sentent pas, perçoit ce que les autres ne perçoivent pas ...
• Peut faire plusieurs choses en même temps (suivre deux conversations en parallèle, parler et écrire, rêver et pourtant écouter...)
• Grande capacité d’observation, note les plus petits détails.
• Curiosité exceptionnelle, besoin de tout savoir, tout comprendre, tout démonter parfois ...
• Intérêts très variés, saute facilement d'un domaine à l'autre.
• Imagination débordante, grande créativité, pensée divergente ("esprit tordu"), goût pour l'expérimentation.
• Capacité d’attention, persévérance : forte si l’intérêt y est; faible, voire nulle, sinon (parfois considéré comme un déficit d'attention).
• Grand sens de l’humour. Humour très particulier, souvent incompris.
• Rapidement frustré s'il ne trouve pas les personnes ou les ressources pour réaliser ses grandes idées.
• Grand sens de la justice, de l’équité, moralité. Intolérance à l'injustice, pour lui et pour les autres.
• Respect des règles bien comprises ("logiques"), mais tendance à questionner l’autorité non fondée.
• Idéalisme, altruisme, compassion.
• Grande capacité de raisonnement/résolution de problèmes.
• Rapidité d’apprentissage, apprend par lui-même. Méthode d'apprentissage particulière, surtout en math et en lecture.
• A appris à lire seul très jeune. Lit ou a lu avidement.
• Petit, avait des "compagnons de jeu imaginaires". A eu des difficultés à trouver des semblables.
• Recherche la compagnie de personnes plus agées (ou parfois plus jeunes).
• Vocabulaire extensif, meilleure compréhension des subtilités du langage.
• Excellente mémoire. Sait sans avoir appris ("science infuse")
• Bon en chiffres, puzzles, ...

Et surtout :

• Perfectionnisme doublé d'une extrême lucidité, qui entraînent parfois le doute, la peur de l'échec.

"On ne peut pas se penser intelligent, quand on mesure ses propres faiblesses avec la lucidité aiguë du surdoué, qui ne lui permet aucun aveuglement."

 

Arielle Adda "Que sont les enfants doués devenus ?"

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